Valeria Bruni Tedeschi, l’actrice et réalisatrice franco-italienne, continue à mettre l’accent sur l’autofiction avec Les Amandiers. Ce thème, qu’elle privilégie depuis son premier film, “Il est plus facile pour un chameau…”, jusqu’à son dernier film, “Les Estivants”, est toujours marqué par des accents autobiographiques qui renvoient directement aux expériences de Bruni, sœur de l’ex-première dame de France et chanteuse Carla Bruni.
Son nouveau film trouve sa raison d’être dans l’amour de Bruni pour le jeu (elle a été actrice avant de devenir réalisatrice, apparaissant même dans “Munich” de Steven Spielberg) et dans son amour pour Patrice Chéreau, le célèbre metteur en scène de théâtre et de cinéma français qui a été une référence centrale pour Bruni et pour plusieurs générations d’étudiants.
Un régal le film de #ValériaBruniTedeschi #LesAmandiers avec une Nadia TERESZKIEWICZ absolument fabuleuse en compétition pour la Palme d’or au @Festival_Cannes pic.twitter.com/cH1MBkHPb3
— Patrick Simonin (@PatrickSimonin) May 23, 2022
D’ailleurs, et pour faire bonne mesure, Bruni a été dirigé par Chéreau lui-même dans “La Reine Margot”. Il n’est donc pas surprenant que “Les Amandiers” soit l’hommage de Bruni à son mentor, ainsi qu’à la fureur irrévérencieuse de la jeunesse et au théâtre lui-même en tant qu’expression de l’élan artistique. Se déroulant à la fin des années 1980 et adaptant les propres expériences de Bruni, l’histoire raconte le parcours d’un groupe de jeunes acteurs et actrices qui rejoignent la prestigieuse école de théâtre Amandiers du metteur en scène Patrice Chéreau, interprété à cette occasion par Louis Garrel ; à ses côtés, Micha Lescot joue le rôle de Pierre Romans, le codirecteur de la compagnie.
Les jeunes sont interprétés par Nadia Tereszkiewicz (César du meilleur espoir féminin pour Les Amandiers), Sofiane Bennacer, Vassili Schneider et Suzanne Lindon, et la pièce qu’ils jouent est Platonov de Tchekhov.
Une intensité débridée
Dans sa passion pour ses années de jeunesse et d’école, Bruni oublie une maxime qui pèse souvent sur les vertèbres du théâtre (et de l’art dramatique en général) : les acteurs et les actrices sont des personnes intenses. Dans “Les Amandiers”, le groupe qui entre à l’école d’art dramatique est composé de jeunes gens quelque peu inconscients, désireux de vivre et d’expérimenter, d’essayer des choses ; pourtant, le metteur en scène tente de les montrer comme des interprètes intéressants et tourmentés, alors qu’en réalité ils ne sont guère plus que des personnes toxiques et lascives qui réduisent leurs intentions aux limites d’un lit conjugal.
Il y a un sous-texte séduisant, celui de jouer pour ne pas avoir à prendre de décisions, de vivre avec les phrases d’autrui. Bruni place le théâtre au centre d’une réalité qui cherche l’authenticité de l’histoire en mettant en scène la jeunesse fugace qui, pas à pas, décision après décision, glisse entre les doigts des protagonistes comme celui qui devient père à l’âge de 19 ans.
Cette jeunesse est ravagée par les tendances suicidaires, les abus sexuels, les différents existentialismes et, bien sûr, le sida, qui ne fait pas de prisonniers et marque ceux qui en sont atteints d’une encre indélébile. Bruni aborde ces thèmes avec une complaisance lassante et insupportable, tentant d’élever le spectacle à une catégorie déifiée, supérieure au reste. Sur ce point, nous sommes plus proches de Harrison Ford et de sa vision de son travail comme un job comme un autre, où l’on s’engage, on travaille et on s’en va. Sans intensité ni artificialité, sans déification.